Alhassane Souare

En Guinée, la Préfecture de Pita enregistre un pourcentage élevé d’analphabétisme, plus particulièrement chez les femmes. La pauvreté est extrême, le manque d’hygiène et de connaissances engendre les maladies, la déforestation et le défrichement par le feu menacent l’environnement. Afin de faire face à cette situation et aux nombreux problèmes qui lui sont liés, mais aussi afin d’encourager les paysannes à agir et à s’organiser, l’Association des Jeunes Animateurs Communautaires et Incubateurs d’Entreprises (AJACIE) a choisi d’employer la méthode participative Reflect.

Femmes et développement rural: les impacts de Reflect


Un projet actuel mené dans les communautés rurales de développement (CRD) de Timbi Tounni et de Timbi Madina, préfecture de Pita, région administrative de Labé, république de Guinée/Conakry fait l’objet d’un témoignage intéressant.

Selon l’étude diagnostic faite dans les deux CRD en 2008, certaines caractéristiques socio-économiques ont surgi, qui ont justifié les raisons d’implantation de ce projet, à savoir le taux élevé d’analphabétisme dans la zone qui est de 72,98 % en général dans la préfecture de Pita et celui des femmes à 79, 27 %, le faible revenu monétaire de 116 USD par personne et par an dans la zone – soit moins de 0,32 $ par jour (réf doc DSRP 2008), le faible développement organisationnel des associations et des groupements paysans, l’insuffisante implication des femmes à la prise des décisions pour le développement local, la persistance des maladies endémiques (paludisme, diarrhée, etc.), le fragile développement des activités génératrices de revenus porteuses, ainsi que l’insuffisance dans la gestion des fonds envoyés par les ressortissants basés au Sénégal, en France et ailleurs.

Toutefois, il faut signaler, que la zone d’intervention du projet dispose d’atouts majeurs comme la zone d’excellence de production de la pomme de terre, l’ouverture des communautés à la mobilisation sociale et à la participation communautaire, l’existence d’associations et de groupements paysans agricoles, l’ouverture des communautés à l’innovation et à la créativité, plus la forte implication des associations de résidents au développement de leurs localités, entre autres.

Problématiques et défis

Le rapport de l’étude de base menée dans la zone a permis d’identifier cinq principaux défis majeurs à relever, notamment la réduction du taux d’analphabétisme en général et celui des femmes en particulier, le développement organisationnel et institutionnel des organisations communautaires de base, l’augmentation du revenu individuel, familial et communautaire, la promotion d’un environnement lettré pour faire asseoir un rayonnement culturel dans la zone du projet et aussi la promotion de l’hygiène de base et de l’éducation sanitaire autour du VIH/SIDA et des maladies diarrhéiques.

Pour relever ces défis majeurs, l’Association des jeunes animateurs communautaires et incubateurs d’entreprises (AJACIE), avec l’appui technique et financier de DVV International, a mis en place et réalisé le projet intégré d’appui à l’autopromotion paysanne dans les communautés rurales de développement de Timbi Touni et de Timbi Madina. Dans sa réalisation, ce présent projet a pris en compte les besoins et les attentes des membres des organisations communautaires de base en terme de changement social et de développement participatif.

Historique de la création

AJACIE-Guinée est née de l’impulsion de PRIDE Formation-Guinée dan s son souci d’aider les jeunes diplômés sans emplois à se doter de compétences vendables pour mieux gérer le processus de l’auto-emploi d’une part et d’autre part dans la lutte contre la pauvreté au niveau des jeunes et des femmes qui est une réalité évidente de la Guinée. Créée en septembre 2002 elle a été parrainée par PRIDE-Formation pour ses premières expériences dans le domaine de l’éducation des adultes à travers les projets elargi de gestion des ressources naturelles, le programme d’appui aux communautés villageoises dans le cadre des DPC exploratoires et l’élaboration des plans de développement locaux de 2003; du projet d’appui aux activités économiques des femmes, projet d’appui aux activités féminines dans les communes urbaines de Ratoma et Matoto. Elle a été agréée définitivement en 2005.

Sa stratégie consiste à utiliser des approches participatives qui tiennent compte de tous les aspects relatifs aux attentes des bénéficiaires potentiels, essentiellement des femmes organisées en groupes, des associations de jeunes, des organisations des communautés de base (OCB), en vue de renforcer leurs capacités et de développer leurs compétences pour une meilleure appropriation de la stratégie de développement à la base.

Sa vision est de faire de l’éducation non formelle un véritable outil de lutte contre la pauvreté au niveau des couches vulnérables.

Sa mission est de promouvoir le développement par l’éducation, la formation et l’information des couches défavorisées.

S’insérant dans la logique du document national de stratégie de réduction de la pauvreté, ses objectifs sont la lutte contre la pauvreté des femmes et des jeun es diplômés par le renforcement de leurs capacités institutionnelles et organisationnelles, la promotion et la consolidation des organisations communautaires de base, ainsi que l’accompagnement du processus de bonne gouvernance locale dans l’élaboration des plans de développement locaux à partir des approches participatives.

La zone d’intervention de l’ONG s’étend sur le territoire national où les besoins se font sentir, en Basse-Guinée et en Moyenne-Guinée, respectivement dans les préfectures de Boké et Pita.

Ses domaines d’intervention sont l’éducation non formelle, telle que l’alphabétisation fonctionnelle, la création et le développement de l’environnement lettré culturel (ELC), l’éducation civique, la démocrati e, la bonne gouvernance locale, la citoyenneté.

En ce qui concerne la santé et l’hygiène les buts sont la sensibilisation sur les thèmes IST/VIH/SIDA, nutrition, paludisme, maladies diarrhéiques, planning familial, lutte contre les mutulations génitales féminines.

Le but de l’AGR est l’appui technique à la promotion et le développement des activités génératrices de revenus.

Enfin dans l’environnement il faudra organiser une campagne de lutte contre la déforestation, les feux de brousse, les mauvaises pratiques culturales et le reboisement.

Ce projet financé par DVV International Afrique de l’Ouest et exécuté par AJACIE contribue de façon efficace à l’amélioration des conditions de vie des membres de sept organisations paysannes.

Approche u tilisée

Dans son programme d’animation, d’alphabétisation et de renforcement des capacités, l’approche Reflect a été utilisée. Reflect est une approche participative de développement communautaire qui prend en compte l´alphabétisation fonctionnelle intégrée et dont les acteurs participants sont le centre du développement de leurs connaissances et de leurs compétences instrumentales.

Reflect combine à la fois la théorie de Paulo Freire et la pratique des techniques MARP (méthode active de recherche participative) dans la phase de développement ou d’utilisation au sein des communautés à la base pour aborder et soutenir les actions d’information, de communication, d’éducation et de formation relative à la vie individuelle et collective pour amorcer une ouverture au développement participatif.

La langue d’alphabétisation des membres de sept groupements encadrés par l’ONG est le poular, langue locale utilisée par les communautés de la zone d’intervention du projet. L’alphabétisation n’étant pas l’apprentissage d’une langue mais plutôt l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul écrit dans langue maîtrisée par les participants. Cette maîtrise de la langue d’alphabétisation a facilité et favorisé le développement des connaissances instrumentales et des compétences techniques des participants pendant la mise en œuvre des séances d’alphabétisation et des formations thématiques axées sur les besoins de la communauté.

Les activités réalisées dans le cadre de ce projet sont soutenues techniquement et financièrement par DVV International, principal partenaire technique et financier, les autorités administratives et locales, les services techniques déconcentrés de l’etat, les responsables des organisations communautaires de base et l’ONG AJACIE en charge d’exécution du projet.

Une série d’études a été effectuée sur la nécessité du projet et sa soumission, sur sa présentation, sur le choix des villages, du personnel approprié aux travaux à effectuer pour l’organisation tant intellectuelle que matérielle des cercles Reflect. La rentabilité des activités prévues a été l’objet d’un rapport. La formation du personnel et l’instruction correspondante concernant les domaines artisanaux et médicaux et leur administration ont été planifiées. Et finalement le projet a bien sûr été évalué.

Il faut savoir qu’avant la mise en œuvre des activités de ce projet d’appui à l’autopromotion des organisations paysannes surtout féminines dans cette zone, les femmes s’occupaient dans une grande partie des ménages, du petit élevage de volailles, auquel s’ajoutait les petites activités maraîchères pour satisfaire les besoins quotidiens. Les femmes étaient soumises aux décisions de hommes basées sur la culture, la tradition, les us, les coutumes, les moeurs et les principes de la religion musulmane. Sans oublier l’absence des femmes de la prise des décisions au sein de leurs familles et de la communauté et de la gestion du petit revenu familial.

Démarche de création des cercles Reflect

Ainsi, le personnel de l’ONG chargé d’encadrement en collaboration avec les élus locaux, les responsables des organisations communautaires et les cadres de services techniques déconcentrés de l’État a mis en place une démarche participative pour favoriser et faciliter la création des cercles Reflect ou des centres d’éducation des adultes, à savoir, entre autres, l’étude des besoins et des difficultés d’alphabétisation et de formation; la prise de contact avec les autorités locales pour organiser et répartir les compétences et les responsabilités; la sensibilisation, l’information, respectivement la formation des actifs selon les principes des cercles Reflect; les réunions sur le terrain pour la mise en place officielle des comités de gestion. La réalisation des plans exigeant naturellement le suivi du fonctionnement des cercles Reflect et de leur interaction, sans oublier l’évaluation des résultats obtenus par les participants.

Effet et impacts du projet sur les organisations paysannes féminines

Après trois ans d’exécution du projet, les effets et les impacts observés sur le terrain et sur les bénéficiaires eux-mêmes sont considérables.

a) Sur le plan individuel

Le nombre de néoalphabètes a augmenté dans la zone d’intervention du projet par l’acquisition des connaissances instrumentales (lecture, écriture et calcul) en langue d’alphabétisation.

Les comportements ont changé de manière positive vis-à-vis des thématiques récurrentes liées à la protection de l’environnement à travers la limitation des cultures sur brûlis et la récolte traditionnelle du miel et le reboisement des lieux publics, la santé et hygiène de base à travers l’utilisation des moustiquaires imprégnés comme moyen de prévention contre le paludisme, l’utilisation des préservatifs, et autres moyens modernes de prévention et de protection contre le VIH/SIDA, le suivi de la scolarisation des enfants, l’occupation des postes á responsabilités au sein des communautés à la base et la participation à la prise des décisions, le développement et la tenue d’une comptabilité simplifiée de gestion des activités génératrices de revenus individuel, etc.

En témoignage de l’acceptation et du succès des activités de Reflect écoutons quelques participants:

«Je suis madame Kadiatou Diallo néoalphabète au cercle de Ninguelandé, fière de mon statut de femme néoalphabète qui me donne un privilège et une considération que je n’avais pas lorsque j’étais analphabète. Cela s’explique par ma participation aux instances de décision au niveau de ma communauté
rurale de développement et des nouvelles attributions en tant que présidente de mon organisation communautaire de base. En outre, les compétences que j’ai acquises me permettent de gérer et rentabiliser mon petit commerce et de pouvoir faire le suivi de l’éducation de mes enfants sans oublier l’abandon de l’excision de mes jeunes filles.»

 

«Je suis madame Koumba BARRY, néoalphabète du groupement Pellel Modiyabhé. Grâce aux acquis du projet, je suis parvenue à participer à toutes les actions d’intérêt communautaire de ma zone en tant que personne ressource pour l’élaboration des documents juridiques des organisations communautaires de base (OCB) en langues nationale et à tenir les procès-verbaux de réunions villageoises. J’anime également des séances de sensibilisation sur la protection de l’environnement et de protection contre le VIH/SIDA, l’acquisition et l’utilisation des compétences sur la saponification m’a permis de produire et vendre du savon local appelé Kabakoudou. Je suis également parvenue à accroître mes revenus dans mon petit commerce grâce à l’utilisation des outils de gestion et, enfin, je parviens à faire le suivi de régularité de mes enfants à l’école.»

 

«Je suis madame Adama Oury SOW, facilitatrice du cercle de Ley Tolin, grâce à l’alphabétisation, je suis devenue aujourd’hui facilitatrice d’un cercle Reflect dans mon village, ce qui me vaut un grand respect et de la considération dans ma localité parce que j’anime des séances d’alphabétisation et d’éducation des adultes au profit de mes parents, cette activité me procure un revenu monétaire qui contribue à la prise en charge de mes dépenses familiales afin d’améliorer positivement les conditions de vie de ma famille. Je suis aussi conviée à toutes les campagnes de sensibilisation des populations et de différentes réunions communautaires de ma CRD.»

 

b) Sur le plan communautaire

Les activités d’alphabétisation et d’éducation des adultes mises en œuvre dans ce projet communautaire ont permis de conscientiser les populations bénéficiaires sur les rôles et l’importance de l’alphabétisation dans le développement socio-économique. Ceci se matérialise par la participation active des néoalphabétisés dans les campagnes de sensibilisation, l’émergence de nouveaux alphabétiseurs, les prestations de service des néoalphabétisés dans la traduction et l’élaboration des documents juridiques des groupements à la base, l’existence d’un réseau d’alphabétiseurs, le renforcement de la dynamique de participation au développement initié dans les communautés touchées.

Un élu local (président de la CRD) déclare:
Je suis Mr Souleymane BAH, président de la CRD de Ninguelandé. Ce projet nous a apporté un grand bonheur dans notre localité parce qu’auparavant nous n’avions jamais eu de centre d’alphabétisation. Aujourd’hui les personnes néoalphabétisées sont beaucoup plus motivées à participer aux activités de développement de ma CRD à travers:

  • La participation aux campagnes de sensibilisation notamment sur les élections présidentielles 2010
  • L’appui à l’émergence et à la gestion des nouvelles organisations paysannes
  • La participation à l’amélioration de la qualité du suivi de l’éducation scolaire par certains membres de l’Association Parents d’Elèves et Amis de l’ Ecole

En résumé des stratégies à venir notons la nécessité de rapports étroits entre les actifs du projet et les structures étatiques et économiques du pays, de mouvements financiers en faveur de la formation de communautés de base selon le modèle de Timbi Tounni et leur soutien dans toutes leurs activités décrites ci-dessus.

Du service technique déconcentré de l’État on

entend: Je suis Mamadou Saliou DIALLO, le chef service de développement rural de Timbi-Tounni, grâce à ce projet de AJACIE nous avons pu vulgariser de nouvelles connaissances sur l’itinéraire technique de la culture de la pomme de terre et quelques produits maraîchers à travers notre implication personnelle dans différentes séances de renforcement des capacités organisées par l’ONG à l’intention des organisations paysannes d’une part, le partage d’expériences avec les foyers de l’environnement lettré d’autre part.

 

Une opinion sur les perspectives:
Je suis madame BAH Mariama Djello, présidente groupement du village de Wansan, nous néoalphabètes, membres des organisations communautaires de base avec l’appui du conseil des élus locaux et des habitants, le soutien technique des services déconcentrés de l’État et de l’ONG/AJACIE à travers son personnel du bureau de proximité basé à Timbi Tounni, zone d’intervention du projet, avons mis en place des stratégies de poursuite et de pérennisation des acquis du projet.

 

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