Mouzinho Mario / Deborah Nandja

L'article suivant décrit la situation au Mozambique. Qu'y fait-on pour réduire le taux d'analphabétisme et atteindre les objectifs de l'EPT formulés à Dakar? Mouzinho Mario est professeur assistant au département de psychologie et des sciences de l'éducation à l'université Eduardo Mondlane où il enseigne la sociologie de l'éducation et la politique de l'éducation. Ses recherches portent principalement sur le rôle de l'éducation dans le développement et sur le rapport entre l'éducation supérieure et le changement social au Mozambique. De-bora Guerreiro Nandja est professeur au département d'éducation des adultes de l'université Eduardo Mondlane. Dans ces recherches, elle s'intéresse particulièrement à la mise en œuvre de politiques d'éducation des adultes et au rapport entre l'éducation des adultes et la santé sexuelle et reproductive au Mozambique.

L'alphabétisation au Mozambique: les défis de l'éducation pour tous

Introduction

Avec près de dix millions et demi d'habitants vivant sur une superficie d'environ 801 590 kilomètres carrés, le Mozambique est de toutes les anciennes colonies portugaises en Afrique la plus peuplée. Son économie repose sur l'agriculture. Plus de soixante-dix pour cent de la population sont installés dans des zones rurales et travaillent principalement dans l'agriculture, la sylviculture et l'industrie de la pêche. La moitié de la population est âgée entre six et vingt-quatre ans, et les femmes sont majoritaires. Près de quatre-vingts pour cent des investissements publics sont affectés au secteur social (éducation, santé et approvisionnement en eau), à l'agriculture, au transport et à l'infrastructure rurale.

Depuis 1987, le gouvernement mozambicain met en place un programme d'ajustement structurel et de stabilisation macroéconomique visant à stimuler la croissance économique et à réduire la pauvreté dans le pays. Ces politiques se sont traduites par une réduction de la pauvreté absolue qui est passée d'environ 69,4 pour cent en 1997 à 54,1 pour cent en 2003. Malgré cette amélioration, les taux de pauvreté restent plutôt élevés, avec des différences notables entre les zones urbaines et rurales. En effet, alors que le pourcentage de pauvreté avoisinait 55,3 pour cent dans les régions rurales, il s'élevait à quelque 51,5 pour cent dans les zones urbaines. Comme nous le verrons plus tard, ces niveaux de pauvreté ont notamment un rapport avec la population et les systèmes d'éducation.

Pour le développement d'un pays, il est nécessaire que la population soit instruite. Associée à des politiques macroéconomiques judicieuses, l'éducation est considérée en tant que facteur clé pour promouvoir le bien-être social et la réduction de la pauvreté du fait qu'elle peut influencer positivement la productivité nationale et, par conséquent, créer de nouveaux modes de vie et donner aux nations les moyens d'être compétitives au sein de l'économie mondialisée. De nos jours, on pense un peu partout dans le monde que l'éducation est un des piliers du développement des pays et que la pauvreté mondiale ne diminuera pas tant que les gens ne bénéficieront pas tous aux quatre coins du globe des avantages d'une éducation de base de bonne qualité.

Constamment fidèle à ce principe, le Mozambique a ratifié différents textes internationaux, s'engageant ainsi à entreprendre tous les efforts possibles pour faire de l'éducation l'une de ses principales priorités. Ces textes sont, entre autres, les suivants: les déclarations de Jomtien et de la CONFINTEA, la Déclaration mondiale sur l'éducation pour tous (Dakar) et la Déclaration mondiale sur la population et le développement. Suite à ces engagements - notons que chacun de leurs objectifs contenait un volet concernant l'éducation des adultes - et à la mise en place du premier plan quinquennal du gouvernement à une époque de paix, de stabilité et de réconciliation nationale, l'éducation des adultes a connu une renaissance nationale, tant dans le secteur formel qu'informel. Ce renouveau devrait entraîner des investissements plus importants dans l'éducation des adultes et améliorer notamment le profil de ce secteur.

L'histoire de l'alphabétisation au Mozambique

Mario (2002) a identifié trois phases dans l'évolution des programmes d'alphabétisation et d'éducation des adultes au Mozambique. La première commença en 1975 après la proclamation de l'indépendance du pays et se poursuivit jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Elle s'est caractérisée par la reconnaissance de l'éducation des adultes en tant qu'un des piliers du système national d'éducation. Mario la décrit ainsi:

«Cette phase a été marquée par un processus dynamique aux multiples facettes dans lequel les gens étaient mobilisés pour des tâches de reconstruction du pays, pour forger une unité nationale et affirmer leur identité mozambicaine. En conséquence,

• tout un ensemble de campagnes nationales d'alphabétisation et d'éducation des adultes furent menées et

• différents systèmes d'éducation et de formation des adultes furent élaborés, approuvés et introduits. Ils faisaient appel à des entreprises, des communautés et des secteurs sociaux particuliers, dont on considérait qu'ils étaient «stratégiques» pour le développement social et économique du pays.

En l'espace de cinq ans, grâce à ces efforts concertés, le taux d'analphabétisme chez les adultes chuta de près de vingt-cinq pour cent, passant de quatre-vingt-dix-sept pour cent en 1974 à quelque soixante-douze pour cent en 1982.»1

La seconde phase démarra au milieu des années quatre-vingt et se poursuivit jusqu'en 1995. Elle fut marquée par une baisse significative du taux d'alphabétisation chez les adultes et d'une réduction substantielle des activités éducatives dues toutes deux à l'escalade du conflit de déstabilisation engagé par le régime d'apartheid sud-africain. Outre la destruction d'infrastructures et la perte de vies humaines, cette guerre provoqua le déferlement de millions de réfugiés mozambicains dans les pays limitrophes et le déplacement de millions d'autres dans tout le pays. L'alphabétisation des adultes et les efforts entrepris dans le domaine de l'éducation se retrouvèrent alors limités aux grandes villes. Seules firent exception à cela les activités menées par des organisations non gouvernementales ou religieuses, ou par des particuliers qui poursuivirent leurs efforts à petite échelle et prirent des mesures innovantes en dispensant par exemple des cours d'alphabétisation dans des langues locales. Cette phase s'acheva avec la dissolution de la direction nationale de l'Éducation des adultes (Direcçâo Nacional de Educaçâo de Adultos - DNEA) dont la direction nationale de l'Éducation de base reprit les activités (Direcçâo Nacional do Ensino Bâsico).

La troisième et dernière phase commença en 1995 et se poursuit jusqu'à ce jour. On pourrait la qualifier de processus de redécouverte et de sauvetage de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes «dans un contexte de paix et de stabilité sociale du pays» et la considérer «comme un moyen nécessaire pour une économie durable et un développement axé sur les hommes et les femmes.»2

Alphabétisation et éducation dans toutes les politiques au Mozambique

L'alphabétisation et l'éducation de base sont régies par divers instruments juridiques et politiques de développement. Les plus remarquables sont les suivants: la Constitution de la République du Mozambique qui stipule que chaque citoyen a le droit de s'éduquer (article 88) et que l'éducation est un moyen de réaliser l'unité nationale, d'éradiquer l'analphabétisme, de maîtriser la science et la technique, et de transmettre aux citoyens des valeurs morales et civiques (article 113); le programme 2000-2004 du gouvernement qui comportait des mesures vastes et réalistes pour relancer l'alphabétisation et avait pour objectif de réduire le taux de pauvreté de dix pour cent; la loi n° 6/92 qui visait à moderniser le système de l'Éducation nationale en l'alignant sur le nouveau modèle économique et politique ancré dans la Constitution de 1990; le Plan d'action 2001-2005 de réduction de la pauvreté absolue (PARPA) qui définissait l'alphabétisation et l'éducation des adultes comme des buts fondamentaux du programme d'éducation; la Stratégie nationale pour l'alphabétisation et l'éducation des adultes, et pour l'éducation non formelle (AEA/ENF), principalement conçue pour éradiquer l'analphabétisme dans le pays; le nouveau programme du gouvernement (2005-2009) qui réaffirmait l'objectif de réduction de dix pour cent de la pauvreté. Toutes les normes ainsi fixées et les documents politiques ainsi rédigés reflètent la volonté commune du gouvernement et de la société de veiller à ce que l'alphabétisation joue un rôle de plus en plus important dans la réduction de la pauvreté et dans le développement du pays. Cette démarche s'inscrit parfaitement dans la lignée des engagements internationaux pris à Jomtien et à Dakar, et dans nombres d'autres déclarations.

Ces documents définissent l'alphabétisation comme un apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul permettant une utilisation efficace des acquis pour apprendre à apprendre et répondre aux besoins élémentaires3. L'idée d'apprendre à apprendre, comme partie intégrante de ce concept d'alphabétisation, est un élément clé de l'engagement pris en faveur de l'éducation pour tous et l'un des objectifs fixés à Dakar4. Il est internationalement reconnu que ce concept est déterminant pour la réalisation de tous les autres objectifs fixés dans le Programme de l'éducation pour tous et qu'il fait partie de la Stratégie d'alphabétisation et d'éducation des adultes et du Plan des programmes d'alphabétisation adoptés par le ministère de l'Éducation du Mozambique en 2000 et 2003. Ce plan énonce que

«L'alphabétisation est considérée d'un côté comme l'acquisition des bases fondamentales de la lecture, de l'écriture et du calcul, et d'un autre côté comme un processus stimulant la participation aux activités sociales, politiques et économiques, et elle jette les bases de la formation continue. Ce concept reflète aussi une certaine forme d'alphabétisation fonctionnelle qui fait partie intégrante du développement local.»5

Le concept de la formation continue tel qu'il est compris dans cette définition rappelle l'approche de l'éducation tout au long de la vie, nécessaire au développement humain et pour relever les défis à venir posés par une économie mondialisée, et indispensable pour répondre aux exigences individuelles et collectives d'un marché du travail en perpétuelle mutation. L'ébauche du Plan stratégique pour l'éducation (Piano Estrategico da Educaçâo) aborde cette approche, en suggérant l'existence de liens directs entre la diminution des taux d'analphabétisme, le développement durable et la réduction de la pauvreté. Chacun s'accorde à dire que la pauvreté n'est pas seulement une question d'instruction. Toutefois, l'éducation devrait être privilégiée en tant qu'instrument utile pour mener à bien la restructuration politique et économique. Comme Bhola l'écrit

«Étant donné la situation actuelle et les conditions dominant dans les pays en développement et développés, les éducateurs d'adultes semblent être le meilleur espoir pour les pauvres de ce monde.»6

L'alphabétisation étant primordiale pour l'éducation, elle apparaît comme un élément vital de l'éducation pour tous (EPT). Par conséquent, en 1999, le Mouvement d'éducation pour tous du Mozambique (Movimento de Educaçâo para Todos de Moçambique, M EPI) vit le jour. Il compte plus de soixante-dix membres, y compris des organisations non gouvernementales, des organisations religieuses et des syndicats. L'objectif principal du MEPT consiste à donner à la société civile des possibilités de prendre une part active à l'éducation dans ce pays. Depuis 2001, le MEPT est également membre fondateur et chargé de la présidence du SANEFA (la branche sud-africaine de l'ANCEFA - Réseau africain pour la campagne pour l'éducation pour tous) qui promeut les objectifs de l'éducation pour tous par le biais de partenariats entre des pays de la région.

Le Plan stratégique du Mouvement d'éducation pour tous du Mozambique souligne l'importance de l'alphabétisation en tant que clé du développement, notamment pour les points suivants:

  • «La vision du Mouvement d'éducation pour tous du Mozambique (MEPT): le MEPT entend participer à la construction actuellement en cours d'un pays où les enfants, les jeunes et les adultes auront accès à une éducation de base de qualité, sans discrimination aucune.7
  • Objectif particulier n° 8.2: encourager les membres à prendre des mesures spécifiques pour garantir à un nombre croissant de femmes et de filles qu'elles puissent s'inscrire dans les filières formelles et non formelles de l'éducation, de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes.»8

Malgré cela, le Plan stratégique du MEPT n'indique pas clairement ce qu'il convient de faire au sujet de l'analphabétisme des adultes. Le Mozambique n'est pas le seul à se trouver face à ce problème. Différentes études montrent que l'alphabétisation a été reléguée au second plan dans les programmes d'éducation pour tous, principalement depuis l'introduction de l'initiative Fast Track9 dont les activités sont principalement axées sur l'égalité des sexes et l'achèvement de la scolarité primaire, excluant par conséquent constamment les jeunes et les adultes analphabètes. Au Mozambique, cette initiative vise à faire augmenter le pourcentage d'achèvement de la scolarité primaire, à réduire les coûts liés à la construction d'écoles, à soutenir les orphelins du VIH/SIDA, à recruter des enseignants, à promouvoir le dialogue entre les bailleurs de fonds et le gouvernement, à créer des capacités en matière de planification et de mise en œuvre, et à établir des liens multisectoriels. Par conséquent, bien que l'alphabétisation et l'éducation des adultes fassent partie des objectifs mentionnés ci-dessus, le MEPT n'a déployé que peu, voire aucun effort spécifique dans cette direction.

Les participants à la Conférence du millénaire des Nations unies ont adopté la «Déclaration pour le millénaire», ratifiée ultérieurement par le Mozambique, et les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Bien que l'alphabétisation soit incluse dans les OMD du fait de son rôle déterminant dans la réduction de la pauvreté, elle n'est pas un objectif à part entière. Au Mozambique, le Plan d'action pour les OMD ne renvoie d'aucune manière à l'alphabétisation; il fait uniquement référence à l'éducation primaire universelle.10

L'exclusion de l'alphabétisation des adultes des Objectifs du millénaire pour le développement peut s'expliquer de différentes façons: d'une part, comme l'évoque Torres (2003), les programmes d'alphabétisation s'adressent à un électorat démuni et politiquement sous-représenté; dans l'éducation, les programmes d'alphabétisation jouissent du plus maigre prestige étant donné qu'ils ne s'accompagnent généralement pas de références scolaires de haut niveau; le lien entre l'alphabétisation et l'emploi est toujours très difficile à cerner avec précision. À ceci s'ajoute d'autre part la difficulté qu'éprouve le personnel d'alphabétisation à faire comprendre clairement l'importance de l'alphabétisation aux planificateurs politiques et aux managers, souvent du fait qu'il n'a qu'une très vague notion de la politique internationale et mondiale.

Toutefois, malgré les nombreuses contraintes et problèmes variés rencontrés dans le domaine de l'alphabétisation, quelques mesures ont été prises, et la volonté politique du gouvernement s'est améliorée si l'on en juge par le Plan stratégique 2005-2009 qui prévoit une réduction de quarante pour cent du taux d'analphabétisme, notamment chez les femmes.

L'une des raisons de cette volonté politique soutenue est liée aux engagements renouvelés conjointement avec la Décennie de l'alphabétisation lancée en 2003 par les Nations unies. Ce nouveau souffle pourrait constituer le point de départ d'une revitalisation durable du secteur et de la réalisation des objectifs tels qu'ils ont été fixés dans les politiques nationales et internationales.

État des lieux de l'alphabétisation au Mozambique

Près de dix-huit pour cent de la population mondiale est analphabète; environ soixante-quatre pour cent sont des femmes. En Afrique subsaharienne, le pourcentage des analphabètes s'élève à approximativement trente-huit pour cent, dont soixante et un pour cent de femmes. Dans le monde, le taux d'analphabétisme chez les jeunes (de quinze à vingt-quatre ans) est de douze pour cent; en Afrique subsaharienne, vingt-trois pour cent des jeunes, dont cinquante-neuf pour cent sont des femmes, ne savent ni lire ni écrire.11

Au Mozambique, ces pourcentages sont plus élevés que la moyenne dans la région subsaharienne. Selon des informations récemment publiées par l'Institut national des statistiques (Instituto Nacional de Esfad/sf/ca),12 le pourcentage moyen d'analphabétisme relevé chez les adultes dans l'ensemble du pays s'élève à environ 53,6 pour cent; il est plus élevé dans les zones rurales (65,7 pour cent) que dans les districts urbains (30,3 pour cent), ces écarts étant également plus prononcés en fonction du sexe: 68 pour cent pour les femmes contre 37,7 pour cent pour les hommes. Dans un pays aussi vaste et riche en facettes que le Mozambique, on peut s'attendre à ce que la situation varie en fonction des régions. Ces pourcentages vont en effet de 15,1 pour cent dans la province de Maputo (au sud du pays) à 68,4 pour cent dans la province de Cabo Delgado (au nord). En ce qui concerne les jeunes, les chiffres sont alarmants: jusqu'à 37,9 pour cent chez ceux de quinze à dix-neuf ans (dont 48 pour cent de jeunes femmes) et 50,7 pour cent chez les personnes âgées de vingt à vingt-neuf ans (dont 61 pour cent de jeunes femmes).

Ces pourcentages, comme l'indique le tableau 1, sont calculés sur une base annuelle au moyen des indicateurs recommandés par la Conférence internationale sur la population et le développement, et les chiffres ainsi obtenus peuvent permettre d'évaluer les résultats des efforts entrepris par le gouvernement pour réduire l'analphabétisme dans le pays.

Malgré les progrès réalisés en ce qui concerne la réduction des taux d'analphabétisme, la comparaison entre les hommes et les femmes (vingt-quatre pour cent en 1996 par rapport à trente et un pour cent en 2004) montre que les écarts se creusent entre eux.

Il y a peut-être plusieurs raisons à cela: d'un côté, ces chiffres pourraient vouloir dire que les efforts entrepris pour inscrire les femmes analphabètes dans les programmes existants et les y retenir ne portent pas leurs fruits. D'un autre côté, ces chiffres pourraient tout autant impliquer que malgré les initiatives prises dans le secteur de l'éducation pour instaurer l'égalité des sexes, de plus en plus de filles ne sont pas scolarisées ou abandonnent l'école, venant ainsi grossir les rangs des femmes analphabètes au fil des années.

Si l'on compare les chiffres disponibles pour le pays avec ceux de toute la région, on discerne des déséquilibres comparables en ce qui concerne les possibilités de s'alphabétiser offertes aux hommes et aux femmes en Afrique.13

Tableau 1: indicateurs de l'éducation concernant l'évolution vers la réalisation des objectifs quantitatifs et qualitatifs fixés à la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD).

Année Indicateurs de l'éducation
Inscriptions au primaire (%) % lors de la dernière année du primaire Inscriptions au secondaire (%) analphabètes (> 15 ans)
H F H F H F H F
1996 69 52 - - 9 6 55 79
1997 69 52 - - 9 6 42 77
1998 69 52 - - 9 6 42 77
1999 70 50 52 39 9 6 46 77
2000 70 50 52 39 9 5 41 73
2001 70 50 52 39 9 5 39 70
2002 83 60 43 29 11 7 38 69
2003 104 79 62 54 14 9 40 71
2004 110 87 56 97 16 10 38 69

Source: La situation de la population mondiale, suivi des objectifs de la CPID. 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004

Outre les disparités concernant les possibilités offertes, un autre facteur décourage peut-être aussi les femmes de participer à des programmes d'alphabétisation et d'éducation des adultes, à savoir le type de programmes proposés. Ceci est une source d'inquiétude car, selon Lind (2004), les femmes semblent s'intéresser davantage à des programmes conçus pour améliorer leur existence et le bien-être de leurs familles. Le Plan d'action 2001 -2005 de réduction de la pauvreté absolue (PARPA)14 favorise l'alphabétisation et l'éducation des adultes en tant qu'éléments essentiels pour réduire la pauvreté dans le pays et il associe les actions porteuses aux programmes ciblant spécifiquement les femmes et les zones rurales.

Les initiatives prises par le gouvernement pour corriger les disparités de manière à instaurer une parité de l'accès aux programmes et à y retenir les participants sont loin d'avoir réussi à réaliser l'égalité des sexes. Les pourcentages d'accès et, d'une façon encore plus marquée, de rétention des femmes et des filles dans les programmes d'alphabétisation restent relativement faibles. Les chiffres disponibles15 révèlent par exemple qu'en 2002, soixante pour cent des inscrits au premier et au second niveau étaient des filles, alors qu'au troisième niveau ce chiffre tombait à quarante-huit pour cent et que le taux d'abandon s'élevait environ à quarante pour cent.

Les programmes d'alphabétisation sont actuellement organisés par le gouvernement et les organisations nationales et internationales non gouvernementales (ONG). Les ONG opèrent dans différents endroits, ont des horaires différents et font partie du vaste mouvement d'éducation non formelle au sein de la société. Les programmes conçus tant par le gouvernement que par les ONG ont entraîné une augmentation du nombre de participants et permis d'offrir davantage de cours d'alphabétisation. Les informations du ministère de l'Éducation indiquent que 259 435 adultes étaient inscrits dans de tels programmes en 2002 et qu'à la fin du premier niveau,16 le taux d'abandon s'élevait à trente-six pour cent alors que le taux de réussite était de soixante-seize pour cent. Selon Ling et Kristensen,17 406 309 adultes étaient inscrits à des programmes d'alphabétisation.

En outre, d'après les informations recueillies par Mario (2002), cinq cent cinquante-huit cours d'alphabétisation et d'éducation des adultes étaient organisés dans le pays. En 2004,18 ce chiffre avait considérablement augmenté et s'élevait selon des estimations à cinq mille au total.

Le fait que la population soit majoritairement d'origine bantoue et ne maîtrise pas suffisamment le portugais, la langue officielle également utilisée dans l'enseignement, est un des facteurs qui contribuent au faible nombre d'inscriptions et aux taux d'abandon élevés dans les programmes d'alphabétisation et d'éducation des adultes au Mozambique. En 1997, seulement quarante pour cent des Mozambicains savaient lire et écrire le portugais. La plupart d'entre eux étaient des hommes résidant dans des zones urbaines.19 S'inquiétant de cette situation, le gouvernement mozambicain décida en 1991 d'introduire un programme d'alphabétisation dans des langues mozambicaines (Programa de Alfabetizaçâo em Linguas Moçambicanas) comme partie du Projet d'éducation bilingue des femmes (Projecto de Educaçâo Bilingue de Mulheres). Initialement, deux langues du nord du pays (l'emakhwa et le nyandja), deux du centre (le sena et le ndau) et une du sud (le changana) furent choisies. De même, la Stratégie 2001-2005 du sous-secteur d'alphabétisation et d'éducation des adultes (Estratégia do Subsector de Alfabetizaçâo e Educaçâo de Adultos)20 exigeait que les matériels d'enseignement, principalement disponibles dans les langues suivantes: le portugais, l'emakhuwa, le changana, le rhonga, le nyanja, le mwani, le sena, le ndau, le makonde et le yao, soient révisés, mis à jour et augmentés, et que des matériels soient produits dans d'autres langues mozambicaines, à savoir le lomwé, le nyungwe, le tewe, le bârue, le copi, le tonga, le tshwa et le chuwabo, reconnaissant ainsi l'utilité des langues nationales dans les différents contextes d'apprentissage.

Bien que le gouvernement du Mozambique ait à plusieurs reprises annoncé son intention d'affecter davantage de fonds aux programmes d'alphabétisation et d'éducation des adultes, le budget accordé à ce secteur n'a pas changé en cinq ans. Par exemple, des chiffres récents du ministère de l'Éducation et de la Culture21 montrent que 4,1 pour cent du budget 2003 de l'éducation a été assigné à l'éducation des adultes. Toutefois, les informations fournies par la direction nationale de l'Alphabétisation et de l'Éducation des adultes (Direcçâo Nacional de Alfabetizaçâo e Educaçâo de Adultos) révèlent que tout juste un pour cent du budget a en fait été octroyé au sous-secteur de l'éducation des adultes.

Somme toute, malgré les efforts déployés par le gouvernement et la société civile, tels que l'illustrent les plans quinquennaux de 1995-1999 et 2000-2004 qui accordaient la priorité à l'alphabétisation et à l'éducation des adultes, les taux d'alphabétisation restent élevés et sont bien supérieurs à la moyenne relevée dans les pays d'Afrique subsaharienne. Le système formel d'éducation ne parvient pas à se consacrer à tous les enfants en âge de scolarité; quelque cinquante pour cent d'entre eux restent exclus de cette filière, contribuant ainsi dans le pays à grossir les rangs des analphabètes toujours plus nombreux.22

Conclusion

Les raisons pour lesquelles les taux d'alphabétisation restent élevés au Mozambique sont multiples et peuvent être analysées de différentes façons. Selon nous, l'absence d'intégration des initiatives et systèmes du gouvernement dans le Mouvement d'éducation pour tous du Mozambique (MEPT), dont le plan stratégique ne s'est pas encore concrétisé par des actions tangibles dans le domaine de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes, est une des causes de cette situation.

Une analyse effectuée par le ministère de l'Éducation et de la Culture dans le projet de plan stratégique 2005-200923 se penchait sur un ensemble de réussites et de défis dans les domaines de l'éducation non formelle et de l'éducation des adultes. Parmi les réussites, elle classait l'augmentation du nombre de cours d'alphabétisation et le développement d'une stratégie d'alphabétisation et d'éducation des adultes. Les partenariats et la coordination inappropriée,24 le manque de pertinence des programmes, l'incapacité de retenir les participants (notamment les femmes et les filles) et la supervision, le suivi et l'évaluation inadéquats comptaient parmi les défis. Cette analyse indique d'autres failles comme le faible niveau de qualification du personnel, l'absence de garanties de financement pour mettre les programmes en place, l'incompétence de l'Institut national d'éducation des adultes (INEA) à s'acquitter de ses responsabilités, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre d'une réglementation au sujet de la rétribution des agents d'alphabétisation. Ce système appuie le processus de prise sous contrat et la rémunération des agents d'alphabétisation. Toutefois, s'il ne réussit pas à fonctionner correctement, il risque tout autant de décourager les agents d'alphabétisation que les apprenants.

Selon nous, tous les défis et contraintes que nous avons mentionnés peuvent et doivent être abordés, non en formulant de nouvelles politiques, mais en mettant en œuvre les politiques existantes qui, pour la plupart, ne sont somme toute encore que des déclarations d'intention. Il est primordial de se rappeler qu'exclure les enfants de la scolarité primaire a pour conséquence directe d'accroître la population analphabète adulte, et qu'une croissance constante de cette population peut avoir des répercussions extrêmement néfastes sur le développement du pays.

Pour éviter ceci, le gouvernement, les organisations internationales et les autres dépositaires d'enjeux devront mieux coordonner leurs activités. Dans le même ordre d'idées, le Mouvement d'éducation pour tous du Mozambique (MEPT) a un rôle crucial à jouer dans la création des conditions favorables nécessaires pour permettre à tous les enfants, à tous les jeunes et à tous les adultes d'accéder à une éducation de base de qualité.

Notes

1  Mario (2002) p. 129-130.

2  Mario (2002) p.130.

3  ICAE (2003) p. 29-31.

4  Objectif n°4, EPT, Dakar: améliorer d'ici 2005 de cinquante pour cent le taux d'alphabétisation des adultes, notamment celui des femmes, et offrir à tous les adultes un accès équitable à l'éducation de base et à la formation continue.

5  MINED (2003) p. 57.

6  Bhola, Harbans (2004), d'après une traduction des auteurs.

7  MEPT (2003) p.17.

8  MEPT (2003) p. 21.

9  Torres, C.A. (2003).

10  Banque mondiale (2003).

11  UNESCO (2004).

12  INE (2004) p. 66.

13  Indabawa, S.; Oduaran.A; Afrik, T.&Walters, S. (2000).

14  PARPA (2001).

15  MINED(2004).

16  Les programmes mozambicains d'alphabétisation proposent des cours de trois ans.

17  Lind, A & Kristensen, V. (2004).

18  MINED(2004).

19  INE(2000).

20  MINED (2001).

21  MEC (2005) et MINED (2005).

22  PNUD(2001).

23  MINED (2005).

24  Mario (2002) signale que le ministère de l'Éducation est responsable de la coordination des activités. Néanmoins, d'autres dépositaires d'enjeux sont impliqués soit dans la recherche, soit dans le développement (ex.: l'université Eduardo Mondlane, l'université pédagogique - Uni-versidade Pedagàgica -, l'Institut national pour le développement de l'éducation - Instituto Nacional de Desenvolvimento da Educaçâo), soit encore dans l'organisation de programmes de la société civile par l'intermédiaire d'ONG, d'organisations religieuses et d'associations communautaires à la base, mais aussi d'organisations et d'ONG internationales se consacrant principalement au financement de tels projets ou programmes.

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