L’éducation politique qui a pour vocation de transmettre des thèmes issus d’autres sphères culturelles n’est généralement pas accueillie avec grand intérêt en Allemagne par les apprenants – un désintérêt que l’on peut chasser en associant ce type d’offre à des activités d’éducation culturelle. Ainsi l’université populaire d’une petite ville de Rhénanie-Palatinat a-t-elle réussi par l’intermédiaire d’un partenariat scolaire, de rencontres personnelles, de la danse, de la musique, de l’art, du théâtre et du cinéma à attirer ces vingt dernières années plus de 120 000 visiteurs à ses manifestations organisées sur le thème de l’Afrique.
La série de projets et de manifestations intitulée «L’Afrique, c’est loin?» fête cette année son anniversaire: voici en effet maintenant vingt ans que, du 1 er juin au début des grandes vacances, l’université populaire d’Ahlen fait mieux connaître le continent africain aux habitants du district de Warendorf en Rhénanie du Nord-Westphalie.
De nos jours, il est soit disant très difficile, voire même impossible, de trouver des gens désireux de s’instruire en matière de politique du développement. Les chiffres des visiteurs de la série sur l’Afrique montrent de façon impressionnante que c’est pourtant possible: rien qu’en 2011, année anniversaire, quatre-vingt-quatorze manifestations et ateliers ont en tout attiré 7819 personnes. Dans dix-neuf écoles et au fil de soixante ateliers en plusieurs parties, près de 1500 élèves de tous horizons scolaires ont suivi des cours donnés par des artistes africains sur la musique, le théâtre et la danse, et ont pu à cette occasion découvrir leur situation privée et professionnelle en Afrique.
Les autres manifestations étaient les suivantes: grande production d’une comédie musicale, lectures, concerts, exposition d’art intitulée «Mozambique» ou le cycle «L’Afrique au cinéma» diffusé au cinéma local avec entre autres les films «Serengeti» (Tanzanie), «Rosée du matin» (Éthiopie) et «Kinshasa Symphonie» (Congo), ce dernier en présence du metteur en scène berlinois Martin Baer.
Quel concept a permis d’attirer ces vingt dernières années plus de 120 000 visiteurs aux manifestations organisées par l’université populaire d’Ahlen sur le thème de l’Afrique?
À l’ère des nouveaux médias, l’enseignement traditionnel de l’éducation politique se porte très mal. Il en va très différemment quand on l’associe à l’éducation culturelle. Ainsi l’université populaire a-t-elle conclu un contrat de coopération avec un établissement public de Tanzanie, le Bagamoyo College of Arts/TASUBA, et invite chaque année deux ou trois comédiens, musiciens et danseurs professionnels à se rendre à Ahlen non seulement pour enseigner, notamment dans des écoles, mais aussi pour donner des cours à des adultes en organisant des ateliers. L’expérience l’a montré: les gens qui se consacrent à des activités créatives avec des artistes africains ont aussi rapidement envie de savoir comment l’animateur du cours vit chez lui, comment il réussit à nourrir une famille de six personnes avec moins de cent euros par mois ou, plus tard, quel bénéfice la population retire des quantités de richesses minières extraites dans son pays.
L’université populaire d’Ahlen a signé un contrat de partenariat éducatif avec seize écoles et toutes ont participé à la série sur l’Afrique qui commence toujours par un stage de formation continue pour les enseignants. Un documentaire de vingt minutes («Comment vivent John et Nkwabi à Bagamoyo») réalisé par l’université populaire, et généralement diffusé en présence des artistes africains participants, a pour but de favoriser la discussion sur le thème de l’Afrique. Presque tous les ateliers se terminent par une grande manifestation de clôture à laquelle, outre les élèves, les parents, et par conséquent un important groupe cible de l’université populaire, sont aussi généralement conviés.
La mise sur pied de partenariats vivants entre des écoles allemandes et africaines, auxquels, outre les élèves, participent aussi de plus en plus de parents, s’est révélée être particulièrement efficace. Beaucoup de parents ne parviennent pas par exemple à s’imaginer que trente à quarante euros par jour suffisent pour fournir à l’école un déjeuner chaud à six-cents élèves. Ceci provoque bien sûr des discussions. À l’automne 2011, dans le cadre du projet «Science Buddys», un collège enverra pour la seconde fois déjà une douzaine de ses élèves dans son école partenaire africaine en Tanzanie où ils familiariseront leurs pairs à l’utilisation de l’énergie photovoltaïque, contribuant ainsi au plan communal à faire également progresser l’usage des énergies renouvelables en Afrique.
Les rencontres personnelles sont indispensables pour mener à long terme des activités éducatives efficaces avec l’Afrique. L’université populaire s’efforce chaque année d’attirer à Ahlen autant d’invités africains intéressants qu’elle y parvient. Il peut ici tant s’agir d’un responsable de la protection des monuments historiques au Zanzibar que d’un ranger du parc national du Serengeti, d’un écrivain de Dar-es-Salam, d’un musicien traditionnel d’Addis-Abeba, d’un rockeur de Johannesburg, d’un chef touareg de Tombouctou ou d’un Massai installé dans la Ruhr où il dirige sa propre agence de voyages. Les rencontres personnelles restent en outre toujours le meilleur remède contre le racisme.
Sur place, on dispose d’un nombre beaucoup plus grand d’éventuels partenaires de coopération que ce que l’on croit généralement: les magasins de commerce équitable, les paroisses par le biais de partenariats avec les églises, les entreprises intéressées par le marché africain, les écoles et autres établissements d’enseignement, les conservatoires de musique, les bibliothèques, les services administratifs culturels, les hôpitaux, les librairies et, par-dessus tout, les nombreuses personnes qui ont déjà voyagé en Afrique et qui souhaitent mieux connaître ce continent ou encore les gens qui ont travaillé là-bas. Dans l’évêché de Münster, on recense environ cinquante jeunes candidats pour un poste vacant au programme de volontariat «Weltwärts» du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) – un potentiel énorme et encore presque intact pour les articles des volontaires rentrés dans les journaux locaux et des manifestations organisées à l’université populaire et où ils pourraient partager leur expérience.
Atelier: Apprendre à tambouriner à l’africaine avec Nkwabi et Pit.
Course pour parents et enfants
Source: Peter Harke
Atelier: Danse traditionnelle de la Tanzanie
Source: Rudolf Blauth
L’université populaire peut contribuer à ce que l’Afrique, au-delà du cliché la présentant comme le continent des maladies, des famines, des guerres civiles et des réfugiés, soit aussi perçue par le public comme un continent qui est le théâtre d’évolutions dynamiques, passionnantes, vitales et créatives. Des danses pleines d’inspiration, une musique enivrante, des œuvres d’art fascinantes, des films impressionnants et des ouvrages littéraires débordants d’imagination peuvent pour cela donner envie de se pencher plus en profondeur sur la pauvreté, sur la répression et sur des questions complexes de la mondialisation – mais aussi sur les modèles démocratiques et sur l’essor économique vertigineux de différents pays (non pas tigres mais) lions dont l’Europe n’a encore pris aucune note.
Le titre de la série de projets et de manifestations organisée par l’université populaire pose une question: «L’Afrique, c’est loin?». Il pourrait toutefois aussi poser la question suivante:
«Que nous faut-il encore pour cesser de considérer l’Afrique juste comme la bénéficiaire de nos aides et voir en elle un voir continent hétérogène, édifiant et qui se développe rapidement?»